La pandémie de COVID-19 a propulsé le télétravail sur le devant de la scène, transformant radicalement nos habitudes professionnelles. Cette évolution rapide a nécessité une adaptation tout aussi prompte du cadre légal. Explorons ensemble les contours juridiques de cette nouvelle réalité du travail à distance.
Le cadre légal du télétravail : entre souplesse et protection
Le Code du travail définit le télétravail comme toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Cette définition, issue de la loi du 22 mars 2012, a été complétée par les ordonnances Macron de 2017 et l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020.
Le cadre juridique actuel repose sur plusieurs principes fondamentaux : le volontariat du salarié et de l’employeur, la réversibilité du télétravail, l’égalité de traitement entre télétravailleurs et salariés sur site, et la protection des données de l’entreprise.
La mise en place du télétravail : entre accord collectif et charte
La mise en place du télétravail peut se faire par accord collectif ou, à défaut, par une charte élaborée par l’employeur après consultation du comité social et économique (CSE) s’il existe. En l’absence d’accord ou de charte, le télétravail peut être mis en place par un simple accord entre le salarié et l’employeur. Cet accord peut être formalisé par tout moyen.
L’accord ou la charte doit préciser les conditions de passage en télétravail, les modalités d’acceptation par le salarié, les modalités de contrôle du temps de travail, la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié en télétravail, ainsi que les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.
Les droits et obligations du télétravailleur
Le télétravailleur bénéficie des mêmes droits que les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise. L’employeur est tenu de respecter la vie privée du télétravailleur et de fixer, en concertation avec lui, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter.
L’employeur doit prendre en charge les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils, ainsi que de la maintenance de ceux-ci. L’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 recommande également la mise en place d’une indemnité forfaitaire.
Le télétravailleur a droit à la déconnexion, principe consacré par la loi Travail du 8 août 2016. Les modalités d’exercice de ce droit doivent être définies par accord d’entreprise ou, à défaut, par une charte élaborée par l’employeur.
La santé et la sécurité du télétravailleur
L’employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés, y compris en télétravail. Il doit évaluer les risques professionnels liés au télétravail et prendre les mesures de prévention nécessaires. Le document unique d’évaluation des risques (DUER) doit être mis à jour pour intégrer les risques spécifiques au télétravail.
Le télétravailleur bénéficie de la présomption d’imputabilité en cas d’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle. Il est donc couvert par la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Le contrôle du temps de travail en télétravail
L’employeur doit respecter la législation sur la durée du travail, notamment les durées maximales de travail et les temps de repos. Il doit mettre en place un système de suivi du temps de travail adapté au télétravail, tout en respectant le droit à la vie privée du salarié.
La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 12 février 2020 que l’employeur peut mettre en place un système de géolocalisation pour contrôler le temps de travail des salariés itinérants, à condition que ce système soit proportionné au but recherché et qu’il n’existe pas d’autre moyen de contrôle moins intrusif.
Le télétravail en période de crise sanitaire
La loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire a introduit dans le Code du travail un nouveau chapitre sur les mesures de prévention en cas de risque d’épidémie. Ce texte permet à l’employeur d’imposer le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles, notamment d’épidémie, ou en cas de force majeure.
Cette disposition a été mise en œuvre pendant la crise sanitaire liée à la COVID-19, où le télétravail a été rendu obligatoire pour toutes les activités qui le permettaient. Cette période a mis en lumière la nécessité d’adapter le cadre juridique du télétravail aux situations de crise.
Les perspectives d’évolution du cadre juridique du télétravail
Le développement massif du télétravail soulève de nouvelles questions juridiques qui pourraient conduire à une évolution du cadre légal. Parmi les sujets de réflexion, on peut citer la question du droit à la déconnexion, qui pourrait être renforcé, ou encore la prise en charge des frais liés au télétravail, qui pourrait être clarifiée et harmonisée.
La question de l’égalité de traitement entre télétravailleurs et salariés sur site reste également un sujet de vigilance, notamment en termes d’évolution de carrière et d’accès à la formation. Enfin, la protection des données de l’entreprise dans un contexte de travail à distance pourrait nécessiter un renforcement du cadre juridique.
Le cadre juridique du télétravail a considérablement évolué ces dernières années, s’adaptant aux nouvelles réalités du monde du travail. Il offre aujourd’hui un équilibre entre la flexibilité nécessaire aux entreprises et la protection des droits des salariés. Nul doute que ce cadre continuera à évoluer pour répondre aux défis futurs du travail à distance.